+ Quelle est ta région d'origine ? Y es-tu encore ?
Gorka. C’est dans un hameau du nord-ouest regroupant seulement quelques familles qu’Aldriel a vu le jour. Un petit coin de paradis où les gens vivent paisiblement en harmonie avec la Nature. On y cultive quelques parcelles de terre où l’on fait pousser un peu de tout, mais surtout, on y produit du miel. Cette communauté d’apiculteurs s’occupe de plusieurs dizaines de ruches disséminées dans les forêts environnantes. La qualité de leur production est réputée. Des marchands ambulants et les habitants de la région viennent s’y approvisionner. En ces lieux magiques, Aldriel a vécu une enfance de rêve, et l’amour qu’il a ressenti pour les forêts qu’il explorait sans cesse avec son père ou sa sœur ne l’a jamais quitté.
C’est à l’âge de 20 ans qu’il quitta son village. Après avoir achevé son apprentissage auprès de sa mère, il l’assista pendant un temps, puis décida de prendre la route pour aller proposer ses services dans une autre région. C’est le désir de découvrir toutes les merveilles de Gorka qui fut sa motivation. Ainsi, Aldriel passa la majorité de sa vie en itinérance, restant quelques années dans un lieu autour duquel il rayonnait, puis il s’en allait s’aventurer vers l'inconnu. L’endroit qui laissa la plus forte impression à cet enfant des forêts fut bien évidemment les champs marécageux du sud qu'il trouva étranges mais pas dénués de charme.
Depuis quelques années, Aldriel a renoncé à sa vie nomade pour s’installer dans les faubourgs de Bleuzenn. Il pense y rester définitivement, non pas parce qu'il s'y plaît, mais parce que c'est là qu'on a le plus besoin de ses services.
+ Parle-moi de ta famille, et de ton lien avec elle.
Un père tendre et patient vers lequel Aldriel se précipitait dès que l’école était finie. Sur le chemin, il ramassait des petites choses, un caillou brillant, un insecte aux motifs intrigants, une fleur en forme d’étoile… Ces trésors, il en faisait ensuite cadeau à son père, comme des petites offrandes au bon génie du foyer. Et à chaque fois, l'homme les acceptait avec au coin des lèvres ce sourire amusé que l’enfant aimait tant. Et puis, main dans la main, ils allaient ensemble se promener dans la forêt. En silence, toujours en silence. La voix de son père, personne ne l’avait jamais entendue, pas même grand-mère. De temps en temps, l’homme lui tapotait l’épaule et pointait le doigt vers un animal, une plante ou un champignon, tout simplement pour l’inviter à apprécier les merveilles de la Nature. De ces moments privilégiés passés ensemble Aldriel garde un souvenir idyllique. Il regrette que son père ait rejoint si prématurément les bras de Tarlyn, et souvent, il se demande comment cet homme si doux et serein aurait réagi à sa place par rapport à certaines situations. Ce père est en quelque sorte devenu un garde-fou pour Aldriel, un modèle de conduite auquel il songe quand il sent qu’il est dépassé et au bord du désespoir.
Une mère féroce et sublime. « L’étrangère » les gens du coin l’appelaient, parce qu’elle était la première native de Sterenn à s’installer dans ce hameau perdu de Gorka. Traumatisée par l’exil forcé suite à la révélation de son don Terre, elle avait erré dans les forêts de sa nouvelle patrie jusqu’à ce qu’elle soit ramassée par les autorités près de la frontière nord et soit placée sous la tutelle d’une communauté d’apiculteurs. Si elle ne s’est pas échappée dès que l’opportunité s’est présentée, c’est parce qu’elle avait rencontré le père d’Aldriel et décidé de l’épouser. Tous les deux, c’était le jour et la nuit, mais ils s’entendaient étonnement bien. Aldriel n’a pas le souvenir d’une seule dispute. Un exploit... C’est que sa mère, elle avait le caractère explosif. Elle ne supportait pas qu’on lui manque de respect à elle ou sa famille. Si vous la regardiez de travers, elle était du genre à vous chopper au col et à vous beugler vos quatre vérités dans la figure. Son intégration fut quelque peu compliquée mais elle finit par s’adapter à sa nouvelle vie. Elle acheva sa formation auprès de la sage-femme de la région puis exerça à son tour. Sa force de caractère et sa détermination à aider toutes les femmes, particulièrement celles marginalisées par la société car prétendument de mauvaise vie, inspirèrent grandement Aldriel. Il lui doit tout son savoir-faire et des valeurs fondamentales telles que le dévouement au travail et le respect absolu des femmes. De sa famille maternelle restée à Sterenn, Aldriel ignore tout. Sa mère n’en a jamais parlé. Il ressent de la curiosité à leur égard, mais pas assez pour risquer sa peau en voyageant illégalement à la recherche de gens dont il ne sait absolument rien, même pas leur nom.
Une sœur de 9 ans sa cadette dont il n’a plus aucunes nouvelles depuis sa Cérémonie au cours de laquelle s’est révélé son don feu. Son départ a été très mal vécu par leur mère, horrifiée que sa fille connaisse la même expérience douloureuse de déracinement qu’elle. Tout le monde ignore ce que la jeune fille est devenue. Elle n’a jamais répondu aux lettres. Plusieurs fois, leurs parents se sont rendus à Dahud pour essayer d'obtenir des informations auprès des marchands et des voyageurs Feu, mais personne ne connaissait de fille nommée Jahia. Après des mois de pourparlers tendus avec les représentants Feu, ils ont réussi à apprendre que la jeune fille était bien portante et mariée. Mais où était-elle précisément ? Pourquoi avait-elle changé de prénom ? Pourquoi refusait-elle de communiquer ? On ne l’a jamais su. Ce silence a été extrêmement difficile à vivre. Et puis le temps a passé, et on s’est mis à parler –ou en l’occurrence, ne plus parler- d’elle comme si elle était morte. Pour Aldriel, sa sœur ne devint malheureusement plus qu’un lointain souvenir... Le décès récent de leur mère a tout changé : maintenant, Aldriel n’est plus obsédé que par une chose : retrouver sa sœur pour lui apprendre la triste nouvelle, et enfin comprendre les raisons de ce silence. Pour cela, malgré la dangerosité d’un tel périple, il envisage sérieusement d’aller à Sezni.
Des oncles et des tantes, des cousin(e)s, des neveux et nièces, des amis d’enfance, tous restés dans son village natal. Aldriel leur rend visite plusieurs fois par an, et les aime tous profondément.
"Cordonnier mal chaussé" dit le dicton populaire. Il sied particulièrement à Aldriel car il n’a ni femme ni amant ni enfant(s). C’est un papillonneur qui s’amourache de n’importe qui lui lâche trois mots gentils. Une fois la passion consommée, l’attirance romantique qu’il ressentait s’évanouit. Il ignore pourquoi il fuit ainsi constamment l’engagement, et espère trouver quelqu’un qui saura le retenir.
+ Si tu pouvais aller dans une autre région d'Oranda, où irais-tu et pourquoi ?
Les déserts de Senzi. C’est là qu’il faut aller. Depuis que sa mère a rejoint les bras de Tarlyn, Aldriel n’a plus qu’une idée en tête : s’aventurer dans les territoires désolés de la nation du Feu pour y retrouver sa petite sœur et lui apprendre la triste nouvelle. Et puis, il est temps de mettre fin aux questionnements qui tiraillent sa famille depuis des décennies : Jahia est-elle encore en vie ? Pourquoi a-t-elle coupé tout contact avec eux ? Ce périple extrêmement dangereux obsède ses pensées... Cela fait bien longtemps qu’il aurait dû l’entreprendre, mais par lâcheté, il n’a jamais osé. Il ignore comment s’y prendre pour traverser illégalement la frontière sans se faire prendre, par où commencer ses recherches, et tout simplement comment survivre dans une région si hostile mais Aldriel est déterminé à tout faire pour y arriver.
+ Quel est l'élément que tu haïs au plus haut point ? Pourquoi ?
Aucun. Il faut de tout pour faire un monde. Puisque sa mère est née à Sterenn, il ne partage pas l’antipathie naturelle des Gorkiens envers l’Air. Pour Aldriel, les éléments sont des cadeaux des dieux qu’il faut apprécier et respecter. Ce que les hommes en font, c’est une autre histoire… Le peuple du Feu, la bête noire d’Oranda, bien que tout l’y pousse, il ne parvient pas à le haïr. Il y a forcément des gens raisonnables et pacifiques parmi eux. Aldriel ne peut pas concevoir qu’un peuple entier soit assoiffé de conquête et de domination. Le monde n’est pas noir et blanc. On trouve bien des gens à l’éthique plus que douteuse parmi les Gorkiens… Aldriel se fait un point d’honneur à ne pas porter de jugement sur les gens, et surtout pas sur ceux dont il ignore tout. Cette ouverture d’esprit est louable mais quelque peu naïve : ayant toujours vécu à Gorka et jamais visité Dahud, il ne connait pas les autres peuples et n’a donc pas expérimenté lui-même la défiance qu’ils se portent les uns les autres. S’il rencontrait des étrangers profondément séparatistes, peut-être Aldriel serait-il plus prudent et plus mesuré dans sa pensée pacifiste. Pour l’heure, c’est un homme assez candide qui tendrait la main à un Feu sans se douter qu’il pourrait bien se brûler…
+ As-tu un secret ? Un secret dont personne ne devrait en entendre parler ?
De secrets la mémoire d’une sage-femme est emplie. Toutes les souffrances intimes des femmes, Aldriel les connait bien, il en a été tant de fois le confident… Parmi les plus sombres, il y a les viols, les avortements et les abandons. Cela fait hélas partie de son quotidien. Tous les jours, il écoute et réconforte. Il contient ses émotions et encaisse en silence les drames dont il est témoin. On peut lui faire confiance pour ne pas répéter. Il garde tout cela pour lui. Personne parmi sa famille ou ses amis n'a idée des choses terribles qu'il voit, et c'est très bien comme ça.
Un secret personnel, Aldriel n’en a pas vraiment. La disparition mystérieuse de sa sœur a longtemps été un sujet tabou au sein de sa famille, mais pas un secret. Quant à sa bisexualité, il ne la crie pas sur les toits mais ne la dissimule pas franchement. Si on le questionne à ce propos, il répondra la vérité. Ses rapports avec des hommes étant bien plus rares que ceux avec les femmes, la plupart des gens ne soupçonne même pas qu’il est des deux bords.
+ Quel est ton rôle au sein de ta région ?
Sage-femme. Accompagner les femmes durant leurs grossesses et les aider au monde leurs enfants, voilà la tâche à laquelle Aldriel consacre sa vie. Tenir dans ses bras un nouveau-né si petit et si fragile, c’est un miracle dont il ne se lasse pas. Le fait qu’il soit un homme dans une profession exclusivement féminine a plus d’une fois posé problème, particulièrement quand il vient d’arriver quelque part et que sa réputation est encore à faire. Lorsqu'il apprend qu’on a besoin d’une sage-femme, il se présente à la famille en sachant d’avance qu’il y a de fortes chances pour qu’on le renvoie. Il a appris à faire avec. Souvent congédié, souvent rappelé en catastrophe parce qu’il n’y a personne d’autre, Aldriel est toujours le second choix. Voilà pourquoi il est principalement sollicité par des pauvres gens, des filles des bas-fonds mais aussi par des marchands d’esclaves. Bien que cela ne soit pas vraiment son travail, il soigne les maladies intimes de ses patientes et procède à des interventions "honteuses" telles que les avortements et la gestion des nourrissons quand leurs mères font le choix de les abandonner. Aldriel travaille donc en étroite collaboration avec l'orphelinat de Bleuzenn auquel il consacre une bonne partie de son temps libre.
Apiculteur. Aldriel pratique également cette activité en amateur, principalement pour obtenir la cire nécessaire à la préparation de ses baumes, mais aussi pour disposer de ressources à troquer quand ses services ne sont pas requis. Il avait autrefois recours à la méthode traditionnelle de l’enfumage, désormais, sa maîtrise de l’élément Terre de niveau 4 lui permet de calmer les abeilles par la seule force de sa volonté, ce qui grandement facilite les choses. Il ne possède pas de ruches, il préfère récolter du miel sauvage. Depuis qu’il est à Bleuzenn et travaille bénévolement à l’orphelinat, Aldriel a pour projet de fabriquer des ruches avec les enfants et de les implanter dans les alentours pour que la structure dispose d’une source de revenus supplémentaire.
+ Si tu devais assister à une mise à mort injuste qui mettrait en danger un innocent, que ferais-tu ?
Entre ce que l’on imagine faire et ce qu’on fait réellement… Personne de sensé n’accepte l’injustice, et on se persuade que si jamais nous y sommes confrontés, nous réagirons en héros et sauverons le pauvre innocent. Pour Aldriel, c’est tout l’inverse. Il ne se prend pas pour un justicier et vous répondra probablement que face à une telle situation, il détournera les yeux et murmurera une prière pour que Tarlyn accueille à bras ouverts l’âme de l’innocent. Mais comme il se trompe… Aldriel, rester passif face à une mise à mort injuste ? Il serait bien surpris d’entendre ses amis affirmer qu’il n’hésiterait pas une seule seconde à s’opposer aux oppresseurs... Il est capable de bien plus qu’il ne l’imagine, et le jour où il le réalisera, le monde ne s’en portera que mieux.
+ Que penses-tu de la séparation entre les éléments ? Crois-tu que cela est normal, ou contre-nature ?
Etant le fils d’une native de Sterenn et frère d’une Feu, et bien évidemment témoin du déchirement des familles après chaque Cérémonie, Aldriel ne soutient absolument pas la séparation entre les éléments qui lui paraît barbare et injuste. De même, il trouve la marginalisation des exempts révoltante. Il n’y entend pas grand-chose en politique mais après avoir observé toute sa vie les hommes et les bêtes, il sait ceci : isolez des chiens dans des cages misérables avec à peine de quoi boire et manger, et vous en ferez des loups redoutables et hargneux régis par la loi du plus fort. Rien d’étonnant à ce que Sezni nourrisse des ambitions de conquête et de suprématie. Quand on lutte chaque jour pour sa survie contre un milieu hostile alors que ses voisins jouissent de terres accueillantes et fertiles, comment pourrait-il en être autrement ? Aldriel éprouve de la compassion à leur égard et trouve malsain la posture Gorkienne de repli sur soi. Tout le monde devrait avoir la possibilité de profiter des terres fertiles et enchanteresses de Gorka.
+ Crois-tu en l'existence de l'élément Matière ?
Oui. Pas de fumée sans feu. Pourquoi irait-on inventer une chose pareille ? Des rumeurs, Aldriel en a entendu de toutes sortes, mais jamais une d’un tel acabit. Il trouve cette "légende" étonnamment crédible, et ne comprend pas pourquoi les gens en rient. Oranda est devenu le théâtre de tant de misères et de souffrances qu’il n’y a rien d’absurde à ce que les dieux donnent à quelques élus des nouveaux pouvoirs pour faire changer les choses.
+ Si tu devais défendre quelque chose, une idée, un concept, une valeur ? Et si tu devais t'opposer à quelque chose ?
L’égalité des sexes. L’abolition de l’esclavage. L’interdiction de la prostitution. Voilà les causes qui le tiennent le plus à cœur.
Aldriel est révolté par toutes les violences que subissent les femmes, particulièrement les infortunées qui, par le fait du hasard, se voient condamnées à une vie misérable. C’est une des raisons pour lesquelles il s’occupe des plus démunies, des parias, de celles qu’on méprise, souvent sans réclamer de rémunération. Chaque jour, il accomplit des actes que d’aucuns pourraient qualifier d’admirables, mais qu’on ne s’y trompe pas : Aldriel n’est pas un héros. Ses beaux idéaux révolutionnaires, jamais il n’a eu, ni n’aura le courage de les exprimer. Il aide à sa petite échelle à rendre le monde un peu meilleur, et c’est tout. Il ne contestera pas ouvertement le système, il a bien trop peur des conséquences. Il hait les situations de conflit qu’il esquive à tout prix, comme s’il craignait d’éprouver de la colère, de ce qu’il serait capable de faire s’il laissait sa part d’ombre remonter à la surface...
+ Si tu devais me raconter un événement du passé...
(i) L’or. Celui du miel des abeilles dont on prend soin avec papa. Celui des forêts et des animaux à la nuit tombée. Celui des cheveux de maman qu’elle tresse toujours en nattes.
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Cet orage est d’une rare violence. Il secoue toute la forêt. Les arbres grincent. Les animaux se cachent. Il ne les voit pas mais l’adolescent perçoit leurs présences dans les environs, terrés dans des fourrés et des troncs de chênes creux. Il s’inquiète pour les ruches. Pourvu n’y ait pas trop de dégâts. Malgré le vacarme ambiant, les cris de la femme, on les entend bien. Ça va bientôt faire une heure. Il soupire. Il essuie son visage du revers de la manche. Sa petite sœur se niche contre lui. Il la serre fort dans ses bras. Les paupières closes, ils essayent de somnoler mais le déchaînement des éléments et les cris de douleur de la patiente de leur mère les en empêchent. Tout ça n’était absolument pas prévu. Alors qu’ils revenaient tous les trois d’un village voisin, une fille totalement paniquée les a trouvés. Sa sœur enceinte a entamé prématurément le travail et son mari n’est pas là et ils vivent seuls dans une grotte isolée et un orage approche et elle a peur, c’est son premier enfant et elle a mal et elle ne sait pas quoi faire… Il se met à tomber des trombes d’eau. Le cauchemar. La sœur leur indique le chemin vers la grotte et repart à toute allure dans l’autre sens pour trouver son beau-frère parti toute la journée sur un chantier à des kilomètres de là.
Soudain, leur mère apparaît et entraîne sa fille avec elle à l’intérieur de la grotte. Quelques minutes plus tard, la gamine sort en courant et s’enfuit dans les bois. Aldriel comprend immédiatement. Elle n’a pas tenu. Elle déteste le sang.
A côté, les cris de la femme redoublent.
Alors, lui vient une idée folle. Aldriel se lève et se précipite à l’intérieur. Il n’a pas le droit. Sa mère le dévisage comme s’il avait trois têtes. Alors qu’il s’apprêtait à se faire hurler dessus de dégager du périmètre, elle lui dit de se mettre derrière sa patiente et de l’aider à se tenir assise. Il le fait. Il tremble. Tous les interdits entourant l’accouchement sont bravés. Un garçon de seize ans est la dernière personne bienvenue à un tel événement. C’est réservé aux femmes. Mais il n’y a personne d’autre, et c’est une question de vie ou de mort. Sa mère se démène avec ce qu’elle a. Aldriel se calme. C’est un roc, pas encore mature mais il a déjà la force d’un homme. Il tient fermement la femme, l’encourage et guide sa respiration pendant que sa mère fait le reste. C’est long, c’est laborieux, il fait chaud, ça sent la sueur et le sang, on a l’impression qu’on ne va pas y arriver. De lui-même, l’adolescent a la bonne idée d’appuyer un avant-bras sur le haut du ventre de la femme pour empêcher que l’enfant remonte et que les longues minutes d’efforts aient été en vain.
Enfin la délivrance arrive. Le bébé crie. Aldriel le prend dans ses bras le temps que sa mère s’occupe de la patiente au bord de l’évanouissement. Il regarde le visage fripé de l’enfant. Il a du mal à réaliser ce qu’il vient de se passer.
C’est la chose la plus effrayante et la plus incroyable qu’il ait jamais vécue. Aldriel se met à pleurer et à rire en même temps.
Plus tard, quand tout redevient calme, sa mère s’approche de lui, dépose un baiser sur son front et murmure : « Mon grand et brave garçon… ».
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(ii) L’émeraude. Celui de cette plante spéciale que l’on cherche pendant des heures sur les flancs des collines. Celui des horizons de Gorka que l’on parcourt inlassablement. Celui des yeux de cette sœur au cœur de feu que l’on ne reverra plus jamais.
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(iii) Le pourpre. Celui qui tâche les mains du guérisseur qui a pourtant tout fait pour éviter le pire. Celui qui monte aux joues des filles honteuses de confier leur corps, leurs secrets et leurs peurs à un homme. Un homme gentil et respectueux qui parle très doucement. Peut-être qu’on peut lui faire confiance.
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- Y’en a trois qu’ont la chaude-pisse, deux qu’ont la nausée et qui veulent plus manger, deux jours que ça dure ce cirque, et puis y’en a une qui se plaint de je sais pas quoi… Les campagnardes c’est vraiment des galeuses, putain je sais pas pourquoi je continue de les embaucher, crache-t-elle avec tout le mépris du monde.
- Je pense qu’il serait plus raisonnable de faire appel à un soigneur, suggère Aldriel.
- Ouais bah personne veut dégueulasser sa petite réputation à s’occuper de mes filles, c’est pour ça que je t’ai appelé mon grand, rétorque-t-elle.
- Je ne suis pas qualifié pour ce genre d’interventions, insiste-il calmement.
- C’est quoi ce charabia, parle pas comme ça, t’es pas au palais hein. Bon écoute d’habitude on se débrouille mais depuis que la vieille Bobo est plus là, Tarlyn la garde, ben y’a plus personne pour mes filles. On m’a dit qu’en t’en avais rien à foutre, mais on m’a raconté de la merde, vas-y je te retiens pas, laisse mes nanas crever et retourne t’occuper de tes duchesses.
Silence. L’air est lourd. Ces femmes, Aldriel doit les aider. Est-ce qu’il saura faire ?
- Où sont-elles ? demande-t-il en espérant que l'émotion qui lui prend à la gorge ne s'entend pas.
La maquerelle sourit.
- Suis-moi.
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(iv) Les années passent. Des filles qui pleurent, des filles qui ont mal, des filles mutiques, le regard dans le vide, brisées, résignées ou rebelles, qu'on doit essayer de soigner et de réconforter, il en a connues tellement. Il fait son possible pour leur rendre la vie un peu meilleure. Bien plus qu'un travail, c'est un devoir. Elles ne méritent pas ce qui leur arrive. C’est incroyable ce que derrière les sarcasmes et l’agressivité elles ont une âme pure et enfantine. Leur confiance, il faut la mériter. Il faut être à la hauteur, angélique dans un monde imparfait.
Le blanc. La compassion, la droiture et l’espoir. Les enfants qui grandissent. Leurs mères qui vont tant bien que mal. L’avenir. Une sœur à retrouver. On recommence tout depuis le début.
L’or. Celui des déserts du Sud dont Aldriel rêve chaque nuit.
+ Quel est l'impact des récents événements sur ta vie ?
C’est une catastrophe. Le meurtre d'Osrian Bighild et le retrait des représentants Terre présagent de sombres jours à venir… La guerre semble imminente. Et comme si une seule calamité ne suffisait pas, sombres sont au propre et au figuré sont devenus les jours sur Oranda. La foi d’Aldriel en Tarlyn ne faiblit pas : la grande nuit n'arrive pas par hasard, les dieux punissent les Hommes pour leurs péchés. Cela a du sens, mais n’en reste pas moins terrifiant. Comme tout le monde, il a peur. Il craint les décisions irréfléchies des puissants dont les conséquences pourraient être lourdes pour le peuple...
Avant tous ces événements, le périple qu’il envisageait de faire jusqu’à Sezni était déjà extrêmement risqué, maintenant, c’est du suicide. Aldriel est en proie à mille doutes, mais hors de question de renoncer, quitte à y laisser sa vie.
+ Une dernière chose...
///
+ Et enfin, pour ce qui est du niveau de ton personnage :
Je souhaite avoir le niveau
4 qui n’est pas complètement cohérent avec mon âge qui est de
44 ans ans parce que
Aldriel a une relation quasi religieuse à l’élément Terre, et focalise son énergie à le comprendre plutôt qu’à le maîtriser. Il utilise donc assez peu son don. Je pense faire évoluer cette situation au fil des rencontres et des expériences (dans un très lointain futur, quand Ali sera paumé dans les déserts de Sezni ).