Ҩ Event n°1 : marché

Le soleil brillait sur la capitale de Dahud ce matin-là. Deux jours que tu avais ramené cette blondinette au palais des représentants. Vous n'aviez pas beaucoup parlé, mais tu avais vu les cicatrices qui zébraient son dos. Ça t'avait fait frémir. Elle avait attiré ta compassion, cette petite. Elle t'observait de ses grands yeux de biche, le bleu de ses yeux te transperçant pour observer ton âme. Ça te foutait les jetons, mais tu lisais dans son regard un passé lourd d'événements malheureux. Le contraire t'aurait surpris. Étrangement, même dans une région se voulant aussi tolérante et ouverte que Dahud, les Exempts ne semblaient pas avoir leur place. Ils étaient des parias, des esclaves, des mieux-que-rien. Toi, tu voulais l'aider. Tu avais envie de mettre un peu de soleil dans la vie de cette enfant blessée. Aussi, tu lui avais offert une place parmi les domestiques. Et même si les serviteurs avaient leurs quartiers dans le palais des représentants, tu lui avais offert de dormir dans la chambre attenant à la tienne. D'ordinaire, c'était une pièce réservée à une épouse, mais comme tu n'avais personne dans ta vie, tu la réserverais à la jeune fille. Ta pupille, c'est comme ça que tu la qualifierais.

Le printemps à Oranda amenait ce temps de l'année que tu affectionnais particulièrement : les festivités données en l'honneur des dieux. À part la période où les adolescents de partout venaient pour leur Cérémonie – événement qui venait peu de temps après –, ces fêtes étaient la seule occasion qui permettait aux gens de partout de se réunir dans un même endroit. Tu adorais ce genre de choses. Tu adorais rencontrer des gens de partout. Aussi, après le déjeuner, tu avais quitté le palais pour te rendre sur le grand marché. Les étals étaient tous plus colorés les uns que les autres. Toi, tu recherchais des tissus. Des vêtements attrayants... Quelque chose qui plairait à la demoiselle que tu venais d'accueillir dans ta vie.

@Eden'El Lumnar

Tu rases les murs. Tu as longuement hésité à te déplacer pour assister aux festivités. Il faut dire que tu n’avais jamais été très pieuse. Ce rassemblement n’était pour toi qu’une excuse pour boire un peu de vin et te détendre l’espace de quelques jours. Mais cette année, tu n’avais pas le cœur à la fête. Ton rôle à Vainui était trop précaire pour que tu te permettes quelque incartade que ce soit, mais une partie de la famille de Lachlan, qui s’occupait de l’auberge où tu logeais, avait pris la route pour se rendre dans la cité reine, à Dahud, et tu n’avais pas envie de te tourner les pouces seule à Brynjolf…

Alors tu restais dans l’ombre. Tu avais revêtu des vêtements traditionnels de Sezni. Un ensemble de soie noire comprenant des pantalons amples dans lesquels il te serait facile de bouger rapidement et un chandail court qui laissait apercevoir la peau de ton ventre. Les vêtements étaient sertis de petits bijoux en argent qui donneraient un aspect attrayant au tout. Une apparence festive, mais pratique. C’était la meilleure façon pour toi de passer inaperçue dans la foule en liesse. Tes cheveux sombres tombaient librement dans ton dos et ton visage était voilé.

La mine légèrement dégoutée, dans l’ombre d’une ruelle entre deux étals, tu observais les gens circuler dans le marché. Ils étaient bien insouciants, ces représentants, pour croire qu’on pouvait réunir tant de gens de partout dans un même endroit et mettre aussi peu de sécurité. Malgré leurs beaux discours sur la tolérance le temps des festivités – les dieux avaient mis tous les êtres humains sur les terres d’Oranda et nous devions vivre harmonieusement pour les honorer, le temps de quelques jours – tu savais, toi, qu’il était impossible que les événements se déroulent sans entorse. Aussi, tu restais en retrait et tu observais, à l’affût. Si un problème éclatait, tu serais prompte à réagir. Cette fête amènerait sûrement le maître dans la région, et tu restais sur tes gardes pour repérer un signe s’il désirait te voir en privé. Tes grands yeux sombres papillonnent dans la foule. Les gens sont souriants, tu entends de la musique au loin et les couleurs flamboyantes dansent devant ton regard. Une vraie mascarade…

@Lachlan Thralmur

Tu ne te sens franchement pas à l’aise alors que tu marches au milieu de la foule, cherchant à atteindre l’étal le plus proche à coups de coudes et à jeux de jambes. A l’origine, tu n’avais pas l’intention de venir aux festivités organisées en l’honneur des Dieux. Faire la fête n’était pas vraiment dans ton état d’esprit, encore moins en sachant tous les risques que cela engendrait pour toi comme pour ta famille. Mais tu as fini par changer d’avis. La vie à la taverne n’est plus la même depuis quelques temps ; tu t’y sens de plus en plus seul, sans vraiment savoir pourquoi, alors tu t’es décidé à venir à Dahud le temps des festivités. Tu sais que tu feras attention à ne pas sortir sans tatouage sur le bras, et tu as bien l’intention de profiter un peu pour te détendre et t’amuser. Cela te fera toujours du bien.

Tu réussis à atteindre le premier étal qui t’a fait de l’œil et ce dès ton arrivée. Même si tu n’es pas ce qu’on peut appeler un homme riche, tu n’es pas non plus à plaindre et, avec tous les Pwenshara que tu as ramassés grâce aux combats, tu comptes bien acheter quelques petits souvenirs que tu pourrais ramener à ta sœur et ton beau-frère. Néanmoins, quand tu vois la multitude de choix qui s’offre à toi, tu te sens un peu dépassé. Tu reçois un coup de coude dans les côtes, signe manifeste que tu gênes les plus intéressés, et tu te déportes aisément loin de la foule, dans un creux entre deux étals. Tu en profites pour regarder les gens autour de toi.

Tu ne pensais pas que ces fêtes seraient l’occasion pour tant de gens de s’amuser. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il y ait tant de monde à se bousculer pour voir les mêmes choses qu’à l’accoutumée. Il y a bien quelques petites babioles que tu n’avais jamais vu alors, comme de petites statues ou même des parchemins soit disant rares, mais la plupart des objets proposés sont habituels ; des tissus, des vêtements, de la nourriture… Tu secoues légèrement la tête. Si tu veux trouver quelque chose dans ce marché qui soit mémorable, tu n’as pas intérêt à prendre ton temps. Surtout avec ton gros gabarit, tu vas avoir du mal à t’interposer dans cette foule en folie.

Le soleil n’est pas aussi chaud qu’à Sezni, mais tu en profites au maximum alors qu’il illumine ton visage. Les yeux fermés, tu savoures la petite sensation de chaleur qui ne te réchauffe pas le moins du monde. Même si cela fait un moment que tu n’as pas pu te rendre à Sezni, le souvenir de la chaleur étouffante de la région reste dans ta mémoire, et le pâle soleil de la capitale de Dahud n’arrive pas à te faire sourire. Néanmoins, tu ne t’en plains pas ; ce manque de chaleur intense est une bonne excuse pour porter des manches longues. Aujourd’hui, ton mari n’a pas porté la main sur toi, comme s’il savait que tu allais sortir. Tes bras ne sont pas nus de tout hématomes, plusieurs marques foncées sont encore distinguables quand on y regarde bien, c’est pourquoi tu as décidé de porter de longues manches en ce jour de fête. Pourtant, ce soir, lors du bal, tu as bien l’intention de porter une belle robe qui te met en valeur. L’obscurité de la soirée pourra cacher les quelques marques, et tu pourras toujours les cacher à l’aide d’un peu de maquillage.

Rouvrant les yeux, tu regardes un instant autour de toi. Tu es au beau milieu du marché, au centre même de Lucrezia, flânant entre les différents étals. Voilà un petit moment maintenant que tu observes chaque objet avec une grande attention, cherchant la plus belle étoffe, le plus beau vase, le plus beau collier. Pour l’instant, tu n’as encore rien trouvé, mais tu ne désespères pas, loin de là : le marché est immense, et tu n’as fait qu’un petit bout de tout ce qui s’offre à toi. Les yeux émerveillés, tu t’apprêtes à te diriger vers un nouvel étal empli d’objets en tout genre quand tu remarques un visage qui t’est familier, quelques stands plus loin. Aussitôt, tu te diriges vers lui, un petit sourire aux lèvres. Il a le visage baissé sur plusieurs tissus déposés sur un étal, plus colorés les uns que les autres. Arrivée dans son dos, tu lèves les bras et, d’un air taquin, tu déposes tes mains sur ses yeux, lui cachant immédiatement la vue. « Bonjour mon corbeau. Si tu veux tout savoir, je préfère le tissu d’un rouge profond, mais on dit que le blanc me va particulièrement au teint ».

@Ranrek Ergorn

Tu sens deux mains se poser sur tes yeux. Sa voix chaude et calme perce le silence alors qu’elle te dit qu’elle adore le rouge profond et que le blanc met son teint en valeur. Kara… Malgré votre différence en âge, tu as toujours pensé qu’elle était une femme magnifique. Et elle n’avait pas tort : le blanc crème accentuait son teint sombre et lui donnait un air resplendissant. Ton sourire s’étire. Tu hésites à embarquer dans son jeu. Ton frère n’appréciait guère l’intérêt que tu portais à son épouse. Votre complicité, votre amitié, lui déplaisait, et il ne se gênait pas pour le dire haut et fort. « Il est vrai que l’ivoire te rend encore plus resplendissante, ma douce ! Et le rouge te va à merveille. »

Tu te retournes et prends ses mains dans les tiennes, jaugeant son expression. Elle semble de bonne humeur. Calme, comme toujours, mais elle semble plus tranquille, moins nerveuse que lorsqu’elle est près de Khorde. Voilà un aspect que tu avais remarqué au fil du temps passé avec Kara : lorsqu’elle était loin du palais, proche de la nature, son cœur s’apaisait. T’emparant d’un tissus d’un rouge sanguin, tu le lances sur les épaules de ta belle-sœur, observant le contraste de la couleur vibrante avec la profondeur infinie de son regard. Tendant la main, tu lui effleures la joue avec affection. « Je ne suis pas sûr que mon frère apprécierait que ton corbeau t’offre des vêtements… Tu vas bien ? Où est Khorde ? » Tu retires ta main et tends le bout de tissus au marchand en t’excusant. « Tu cherches quelque chose en particulier ? Un truc à porter ce soir, peut-être ? »

Continuant ton exploration des étoffes sur l’étal, tu lui jettes de coup d’œil à la dérobée, tes pensées voguant de votre vie parmi les incandescents Ergorn et la douceur fragile de la jolie Eden’El qui devait t’attendre dans tes appartements. Tu tends ton bras à la femme de ton frère et l’entraîne plus loin vers des étals qui présentent des vêtements déjà prêts à porter. Tes doigts courent sur les robes. Des tissus lourds et chauds côtoient des soieries diaphanes et légères comme l’air. C’est ce genre de tissus que tu verrais sur la jeune et jolie créature…

@Eden'El Lumnar

« J'reconnaîtrais ce cul entre mille, » déclare une voix railleuse alors deux mains se posent sur la peau de ton ventre. Ta réaction ne se fait pas attendre. Tu abats la plante de ton pied sur celui du goujat et te retournes vers lui. Ton poignard sous sa gorge, tu lui souris en sifflant : « Ferme ta grande gueule, Nadian. T'apprendras jamais ta leçon. T'es toujours aussi con, même après vingt ans... » Tu retires la dague qui lui a entaillé le menton et continue à observer la foule. Difficile de croire qu'il se permette toujours ce genre de remarques déplacées. Il faut dire que votre première altercation lui avait laissé plus de séquelles qu'il n'en avait espéré. Il porterait les marques de ta rage au visage pour le reste de sa vie, le pauvre. On n'insultait pas Styx Frasier sans représailles. C'est Nadian qui avait servi d'exemple aux autres hommes qui avaient été entraînés avec vous. « Tu sais quoi, tigresse ? J'avais jamais attiré autant les femmes avant que tu me carbonises la tronche ! »

« Les putains se foutent bien de ton apparence, imbécile, elles voient ta bourse bien remplie et ça leur suffit. » Il affiche une mine renfrognée, mais ne réplique pas, tendant la tête vers la foule, au-dessus de ton épaule. « Qu'est-ce que tu veux ? »

Il hausse les épaules et te fait un clin d'œil. « J'veux bien passer la nuit avec toi ! Anticipant ton poing qui s'apprête à s'abattre sur son épaule, il recule brusquement en ricanant. « Le général est en route. Il m'envoie tâter le terrain. Je crois qu'il craint rencontrer la résistance des autres peuples. Le régime impérial de notre région ne satisfait pas tout le monde, il semblerait. »

C'était peu dire. Même certains Feu osaient s'avouer contre le nouveau régime qui dirigeait le peuple... Sven ne tolérait pas ce genre de révolte. Ceux qui osaient parler tout haut ne vivaient pas très longtemps. Parce que les yeux et les oreilles du dictateur étaient partout. Et ses fidèles n'étaient pas reconnus pour être résiliants, ni miséricordieux. Tu faisais partie de ces partisans-là. Et tu n'avais pas hésité à égorger quelques saoulons qui avaient ouvert leur clapet au courant de ton voyage vers le nord. Tu ne laisserais personne ternir la réputation de Sven Ramose.

@Lachlan Thralmur

Tu quittes encore un étal vers lequel tu t’étais dirigé, attiré vers les objets en bois semblant plutôt intéressants, mais tu es déçu par le prix des bibelots proposés. A ce train-là, tu vas finir par ne rien prendre à ta sœur, à part une bonne bouteille de vin vide — bah oui, il faut bien boire pendant le voyage. Légèrement agacé, tu t’apprêtes à quitter cette partie du marché pour un morceau plus éloigné, qui pourrait peut-être être plus lucratif, quand tu entends soudainement ton nom, crié derrière toi. Surpris, tu te retournes vers la direction de cette voix de femme, pour voir plusieurs personnes êtres poussées par une tête brune qui fonce vers toi. Sans attendre, Marigold te prend dans ses bras, te serrant contre elle, avant de reculer tout aussi abruptement. Elle lance une phrase que tu as un peu de mal à comprendre avant de se mettre à rire comme une ivrogne. Tu hausses un sourcil.

Tu as beau comprendre que cet événement soit propice à la fête, tu ne peux pas croire que la jeune femme soit déjà ivre alors que la fête en elle-même n’a pas encore commencé. Un sourire aux lèvres, tu passes ton bras autour de ses épaules et l’attires vers toi, coinçant sa tête entre ton bras et ton torse. « Eh bien brunette, qu’est-ce que tu as bu pour être dans cet état ? » Marchant calmement vers un autre étal que tu observes un instant, toujours Mari coincée avec toi, tu lui lances un regard en biais. « C’est bête, moi qui pensais t’offrir quelque chose, il semblerait que tu sois trop bourrée pour mériter quoique ce soit ». Ton regard lui lance un petit défi, mais tu doutes sérieusement qu’elle réagisse comme une personne normale. Tu as bien trop l’habitude des gens ivres à la taverne. Cependant, tu as bien l'intention de t'amuser un peu, et même si Mari est un peu bourrée — un peu beaucoup, même —, tu sens qu'avec cette petite folle, tu vas passer un bon moment.

@Marigold Osren

Ranrek n’hésite pas un instant à rentrer dans ton jeu alors que les compliments volent. Pourtant, ils te passent légèrement au-dessus de la tête, parce que tu remarques bien le regard presque inquisiteur de ton beau-frère quand il se tourne vers toi. Il vérifie que tu vas bien, comme toujours. Sans un mot, tu détournes légèrement le regard, presque agacée. Tu ne veux pas qu’il se soucie pour toi. Il doit mener sa vie sans faire attention à ce qui se passe dans ton couple. Ce sont des affaires personnelles. Comme s’il comprenait, Ranrek se détourne pour attraper un tissu d’un rouge sang. Tu grimaces intérieurement à cette comparaison, mais tu ne laisses rien paraître alors qu’il te le dépose sur les épaules. Puis, il te caresse la joue te faisant une petite remarque. D’un geste vif de la main, tu écartes ses paroles. « Préfères-tu que je sois nue ? Il faut bien que quelqu’un m’offre des tissus, je ne vais pas les acheter moi-même. » Le ton que tu utilises est vaguement hautain, mais tu n’en mènes pas large. Khorde brûlerait tous les cadeaux venant d’un autre que lui.

« Khorde doit sûrement préparer le bal de ce soir. Sûrement à grogner sur les domestiques. Que fais-tu là, d’ailleurs ? Ne devrais-tu pas être à ses côtés, pour consoler les esclaves qui ne seraient pas encore habitués à son humeur ? » Tu espères qu’il ne remarquera pas que tu as volontairement ignoré sa première question. Tu ne veux pas partir sur ce débat-là, pas ici, et surtout pas maintenant. A vrai dire, tu veux juste te changer les idées, et partir sur la question de savoir comment tu vas n’est pas un bon moyen pour t’amuser un peu. « J’ai déjà tout ce qu’il me faut pour ce soir depuis bien longtemps. Pour qui me prends-tu, espèce de chenapan ? » Tu lui lances un regard faussement outré, avant lui donner une petite pichenette du bout des doigts. Avec un léger sourire, tu replaces gentiment tes mains dans ton dos d’un signe de paix.

Ranrek t’emmène alors plus loin, vers des étals de tissus encore. Tu comprends bien vite qu’il cherche une étoffe particulière pour un cadeau. Cette fois-ci, tu te crispes légèrement en saisissant pour qui ce cadeau est destiné. Tu poses la main sur le bras de ton beau-frère, attirant son attention. Tu essaies de cacher cette légère inquiétude que tu ressens sous un masque d’impassibilité. Ce genre de chose que tu utilises plus souvent avec Khorde. « Je n’ai en aucun cas le droit de te donner des ordres, Ranrek, mais es-tu certain que ce soit une bonne idée d’acheter des… choses pour une domestique ? Une domestique qui n’est même pas une Feu ? Je sais bien que tu y es… attaché. Mais elle ne pourra jamais devenir ton épouse ni la mère de tes enfants. » Tu essaies d’être un tant soit peu diplomate. Tu sais plus que quiconque que le sujet est épineux, et tu ne veux pas le froisser, encore moins dans un tel contexte. Mais Ranrek est ton ami, il fait partie de ta famille. Tu ne veux pas qu’il lui arrive quelque chose.

Tu esquisses un léger sourire à ses paroles qui se veulent désinvolte. Ton sourire s’élargit lorsqu’elle te reproche de flâner sur le marché au lieu de surveiller les servantes qui devaient se faire tourmenter par ton frère. Khorde prenait son rôle de futur représentant très au sérieux. Alors que tu estimais qu’il aurait dû, comme toi, se détendre et profiter des festivités, il devait diriger les intendants et s’assurer que tout allait comme prévu pour accueillir la véritable tête du gouvernement de votre région. On oubliait souvent la raison pour laquelle les représentants avaient lieu d’être, pourquoi Dahud avait lieu d’être... Les familles représentantes, bien qu’elles se plaisent à être adulées comme des souverains dans la région humide qu’était le centre, n’étaient là que pour servir d’intermédiaire entre les gouvernements des autres régions. Les représentants n’étaient rien d’autre que les humbles serviteurs de l’autorité qui leur était supérieure. Beaucoup l’oubliaient. Toi, pas.

Elle te fait une pichenette en te taquinant avant de mettre ses mains dans son dos. Tu l’entraînes vers d’autres étals, frôlant les tissus sous tes yeux en écoutant ta belle-sœur d’une oreille distraite. Ton cœur se serre et ton estomac bouillonne lorsqu’Eden’El entre dans le sujet de la conversation. Tu sais que Kara ne veut pas mal faire. Tu sais que ses conseils ne visent pas à te froisser et encore moins à te faire du mal. Pire encore, tu sais qu’elle a raison. Tu t’attaches trop rapidement à cette fragile créature que tu as laissé entrer dans ta vie... Tu n’as pas envie de mettre le feu aux poudres. Aussi, tu lui lances un œillade avant de lui demander d’un ton moqueur : « C’est de la jalouse, que je perçois dans ta voix, tendre amour ? Je ne te blâme pas, je ressens la même chose chaque fois que je te vois près de mon frère... » Bien que tu le dises d’un ton léger, tu sais qu’il y a une grosse part de vérité dans ce que tu viens de dire. Tu n’oublierais jamais cette unique fois, cet instant de faiblesse où tu avais posé tes doigts sur la peau de cette femme qui se tenait près de toi. Jamais tu ne te pardonnerais. Et bien que l’envie de recommencer t’ait assailli à de nombreuses reprises, jamais tu ne laisserais cours à cette affection. Ton frère avait toutes les tares du monde, il ne la respectait pas, tu doutais souvent de son amour pour elle, mais il ne méritait pas telle fourberie de ta part.

D’un ton plus posé, tu déclares : « Je sais qu’elle ne pourra jamais faire partie de ma vie, Kara... Si tu voyais les marques qui recouvrent son corps, tu comprendrais pourquoi je veux l’aider. Cette jeune femme mérite que quelqu’un lui redonne goût à la vie... »

@Eden'El Lumnar

Tu ricanes sèchement à cette dernière remarque de ton interlocuteur. « Ils appellent ça une dictature, comme si c’était très différent de cette monarchie sous laquelle vivent les gens du nord ! » Comme eux, vous aviez un souverain qui prenait toutes les décisions pour votre région nonobstant l’opinion de ses conseillers ou du peuple. La seule différence entre Andar Drogon et Sven Ramose, à ton avis, c’était que le maître du Feu avait travaillé dur pendant des années avant d’en arriver là où il était aujourd’hui, alors que l’homme du nord avait hérité ses fonctions de son père. Tu ne comprenais pas la haine des orandiens pour ton maître. Peut-être étaient-ils effrayés par ses ambitions, par son désir d’acquérir d’autres terres, d’annexer d’autres régions à son empire. Mais tu voyais en Sven Ramose un dirigeant éclairé – la plupart du temps, en tout cas. « Tout ira bien. Pas d’effusions de sang à Dahud. Surtout pas aujourd’hui. Je m’en assurerai personnellement s’il le faut. Et tu le sais, » que tu déclares d’un ton à la fois calme et autoritaire, presque tranchant.

« Sors de ton trou, Frasier. Marche avec moi, veux-tu ? » qu’il te dit d’un ton qui n’entend pas à la réplique. Tu ne résistes pas, glissant ton bras dans le creux de son coude sans piper mot. « Tu sais… j’ai entendu dire que le maître t’a posé un ultimatum. Tu as pris une décision ? J’ai hâte que tu reviennes à Inaki. Il me semble que les soirées sont ennuyantes sans toi… » Il emploie un ton enjôleur. Un coup d’œil de côté te permet de noter qu’il affiche une expression facile préoccupée, même s’il tente de ne rien laisse paraître. « Qu’est-ce que tu me caches, Nadian ? Qu’est-ce qui se passe dans cette tête, dis-moi ? » Il hausse les épaules.

Il tend une pièce dorée à un marchand et attrape un fruit jaunâtre dans sa main. Il continue à marcher quelques instants, lançant le fruit dans les airs et le rattrapant successivement avant d’en prendre une bouchée. Un peu de jus coule à la commissure de ses lèvres. « Je ne sais pas… Je suis inquiet… » Tu t’apprêtes à répliquer, lorsque votre attention est détournée brusquement…

@Lachlan Thralmur

Tu t'interromps brusquement dans tes réflexion lorsque tu aperçois une silhouette musclés dans ton champ de vision qui t'adresse une révérence polie. À regret, tu quittes Kara du regard un instant pour observer le solide gaillard qui s'adresse à toi. Orkem Vahlaan. Dire que c'était un plaisir de le croiser là aurait été un mensonge. L'homme était si proche de ton meilleur ami Sven, et pourtant, tu ne pouvais faire autrement que te méfier de lui. Même si tu aurais préféré dire que les huit Lunes qui séparaient cette rencontre de la précédente était un moindre mal, tu rétorques, avec un large sourire : « Orkem Vahlaan ! Quelle surprise de vous voir par ici ! J'imagine que notre seigneur ne doit pas être bien loin derrière... Vous connaissez Kara, l'épouse de mon frère Khorde ? » Tu espères qu'il n'en a pas trop entendu, de cette conversation, parce que ton frère n'apprécierait guère ces surnoms que tu donnais à sa bien-aimée.

Votre attention est détournée par les cris des badauds qui demandent aux fêtards de se tasser pour faire place à une procession qui approche. Près de vous, des bijoux cliquètent à la force des sabots qui s'approchent sur la chaussée. Tu prends ta belle-sœur par les épaules et l'entraîne sur le côté de l'étal du marchand pour éviter qu'elle ne soit blessée par les gens nerveux tout autour de vous. Ç'a toujours été comme ça, entre vous... Plus jeune, Kara était féroce, impitoyable. En vieillissant, ton frère l'avait endommagée. Et toi, tu étais là pour l'apaiser, pour la protéger, le plus que tu pouvais. D'une façon, peut-être qu'on aurait pu considérer ça comme de l'amour fraternel, mais tu savais que c'était bien plus profond que ça. Kara, c'était cette femme inaccessible qui faisait chavirer ton cœur chaque fois qu'elle souriait, c'était un modèle de vertu et d'amour que tu protégerais coûte que coûte, mais qui ne pourrais jamais tout à fait t'appartenir. Peut-être que tu étais en train de créer la même situation avec Eden'El...

Tu aperçois les chars et les acteurs qui y évoluent. Un petit sourire s'esquisse sur tes lèvres en voyant l'excitation grandissante des enfants qui se débattent dans les bras de leurs mères pour s'en approcher. Mais quelque chose cloche. Tu le sais tout au fond de toi. Tu as pourtant participé activement à l'organisation des festivités. Tu t'étais plus concentré sur le bal qui aurait lieu ce soir-là, mais tu avais entendu parler de ce que les représentants avaient fomenté pour le peuple, mais pas de ces chars...

« C'est bizarre... que tu souffles en fronçant les sourcils. Khorde t'a-t-il parlé des attractions organisées à travers la ville ? Je ne me souviens pas avoir entendu parler de ce défilé... » Saisissant délicatement le coude de ta belle-sœur, tu l'entraines un peu plus loin, plus près des habitations qui bordent le marché, abandonnant l'idée de trouver d'autres cadeaux à offrir à ta nouvelle protégée.

@Kara Ergorn-Jaggde