+ Quelle est ta région d'origine ? Y es-tu encore ?
Je suis née à Silen, la ville romantique par excellence me diriez vous. Et pourtant j'y ai vécu le plus grand traumatisme de ma vie, cette cité a alors perdu toute beauté à mes yeux. Suite à cela, j'ai été contrainte de fuir, j'ai traversé plusieurs ponts des jours durant afin de m'exiler le plus loin possible de mon foyer natal. C'est ainsi que j'ai atterri à Arne, la capitale. Aussi majestueuse qu'effrayante, il m'en a fallu du temps pour m'habituer aux édifices aux hauteurs faramineuses qui dans un premier temps me donnaient le vertige. J'ai découvert l'envers du décor, celui où la famine vous prend aux tripes, où l'on est forcés de faire des choses que l'on méprise habituellement afin de survivre. Que ce soit à Silen ou à Arne, ma vie n'a jamais été un long fleuve tranquille, bien au contraire.
+ Parle-moi de ta famille, et de ton lien avec elle.
Parler des morts n'a jamais été l'un de mes sujets de prédilection, mais soit, vous en être prévenus. Je suis née à Silen, dans une famille modeste, une famille de pêcheurs. A l'instar de la plupart des personnes j'avais deux parents et un frère aîné. Adryan était un exemple pour moi, je me vois encore l'espionner en cachette pendant ses entrainements au combat pour lesquels il était très doué. Il aspirait à faire partie des groupes d'intervention qui défendent notre peuple, mon père en était tellement fier, je suis certaine qu'il aurait pu y arriver, qu'il aurait été choisi. Certains soirs, il m'arrivait d'outrepasser le couvre-feu instauré par nos parents afin de sortir en douce dans notre jardinet et alors je m'occupais à reproduire chaque geste que j'avais vu Adryan faire, sans le savoir il me sauverait la vie à plusieurs reprises quelques années plus tard. J'étais plutôt douée, même s'il ne me le disait pas et me grondait souvent de ne pas obéir à nos parents, je voyais cependant dans son regard cet éclat de fierté que je recherchais tant.
Nous n'étions pas riches, loin de là, et pourtant nous étions heureux. L'amour que l'on se portait les uns aux autres suffisait pour que l'on oublie la dureté de la situation. Mon père m'emmenait souvent à la pêche, malgré moi j'y pris goût et lui il prenait du plaisir à m'apprendre cet art, car pour lui c'en était un. J'ai vécu aussi normalement que notre situation nous le permettait, entourée de ceux que j'aimais et qui m'aimaient en retour, je ne souhaitais rien d'autre, ma vie me plaisait. Si seulement je m'étais doutée de ce qui nous arriverait..
C'était l'année de mes quinze ans, peu après la cérémonie, je rentrais chez moi arborant fièrement le tatouage qui prouvait mon appartenance au peuple de l'Air. J'avais réussi l'épreuve avec brio, j'avais hâte d'entendre mon père dire à quel point il était fier de sa petite fille. Et pourtant, en ouvrant le portail de notre maison familiale ce jour là, ma vie bascula à tout jamais.
Mon esprit refusait d'assimiler ce que mes yeux étaient en train de voir. Du sang, il y en avait partout. Notre famille avait été massacrée, par qui et pourquoi, ça je l'ignore encore aujourd'hui, le fait est que j'étais la seule survivante, tout simplement car j'étais absente au moment du massacre. La peur, le chagrin, la colère et un brin de culpabilité s'insinuèrent en moi tel un poison, malgré mon jeune âge j'aspirais à vengeance et la haine qui me consumait semblait endormie pour l'instant mais prête à éclater à tout moment, telle une bombe à retardement. Mais ma rage de vivre et mon instinct de survie me poussèrent à fuir, car je savais qu'on reviendrait pour moi afin finir le sale boulot. C'est ainsi que j'ai quitté ma ville natale, dont il ne me reste aujourd'hui que des atroces souvenirs.
Mes pieds, après plusieurs jours de marche me guidèrent vers la capitale, pour la première fois de ma vie je posais un pied sur Arne. La majestuosité des lieux me coupa le souffle, l'envers du décor me fit assez rapidement déchanter. Vivre dans la rue n'a jamais été chose aisée pour quiconque, encore moins pour une adolescente perdue comme je l'étais. La faim et le froid n'étaient pas mes seuls ennemis, non, mon pire ennemi était l'homme lui même. Et pour preuve, comme si le traumatisme de la mort des miens n'avait été suffisant les Dieux me punirent encore une fois ce soir là, où sans l'intervention de Livius j'aurais perdu mon honneur, voire la vie. Mais ça, c'est quelque chose que je vous raconterais un peu plus tard.
Livius eut sûrement pitié de moi, j'ignore quelle raison l'a poussé à faire de moi sa fille adoptive. Je suis passée de la fille qui n'avait rien à celle qui avait à nouveau une famille, puis plus tard à celle qui avait tout ce qu'elle a toujours désiré si ce n'est plus, car Livius a été nommé dirigeant y a de cela cinq ans. Je ne mérite pas tout ce qui m'arrive, à croire que les Dieux se sont eux aussi apitoyés sur mon sort, mais je serais éternellement reconnaissante à cet homme qui a changé ma vie. Je l'aime, malgré que ces mots aient du mal à franchir mes lèvres, il est pour moi un vrai père et je donnerais ma vie pour sauver la sienne. Ce ne serait que lui rendre la pareille après tout.
+ Si tu pouvais aller dans une autre région d'Oranda, où irais-tu et pourquoi ?
Hum, bonne question. Si je devais recommencer ma vie ailleurs avec un autre élèment, dans une autre contrée, je pense que mon choix se serait arrêté sur Gorka. Pourquoi? Je suppose qu'il s'agit sûrement de la nature, ses forêts verdoyantes, celle fluorescente, ses cascades majestueuses, sa faune variée, un tas de choses qui m'attirent inexorablement vers cette partie d'Oranda. J'ai toujours voulu m'y aventurer, bien évidemment je ne suis pas assez bête pour risquer ma vie à cause de quelques curieuses rêveries. Mais oui, j'aimerais m'y rendre un jour, ne connaissant pas les lieux qu'à travers les dires que j'ai pu entendre j'ignore si j'aimerais y vivre ceci dit. Dans tous les cas c'est une région riche et splendide, certains conteurs racontent que sa beauté est à vous couper le souffle et je suppose que ses habitants doivent être assez accueillants, du moins entre eux.
+ Quel est l'élément dont tu te méfies au plus haut point ? Pourquoi ?
Le feu, est un élément dont je me suis toujours méfiée. Friande d'histoire, il n'est pas rare de me trouver assise buvant les paroles d'un conteur, apprenant ce qui était notre continent avant ma naissance et celle de mes parents.
Le Feu, un élément destructeur, qui ne m'inspire pas grand chose si ce n'est violence et déchéance. Le Peuple du feu a toujours été le plus rustre, le plus sauvage, si ce n'est le plus cruel allant jusqu'à risquer la destruction de notre beau monde. Je ne me plais pas à généraliser, mettre tous les hommes de ce peuple dans le même sac, du mauvais côté de la barrière, mais ils m'ont toujours inspiré crainte, sauvagerie et suspicion. Peut-être ais-je tord, peut être pas, je préfèrerais en tout cas; j'aimerai croire que la paix est possible entre nos peuples et que toutes ces tensions n'auront pas raison de notre survie.
+ As-tu un secret ? Un secret dont personne ne devrait en entendre parler ?
Je ne parlerais pas du meurtre de mes parents, encore moins de la fois où j'ai manqué de perdre mon honneur, non. On a tous nos petits secrets, mais si je vous dévoile le mien ce n'en sera plus un n'est ce pas? Voyons, ne soyez pas tristes, c'est juste une question de... survie? Moins vous en saurez, mieux je me porterais! Je peux juste vous dire que c'est un secret qui pourrait bien me conduire en prison, et pourtant je vous jure que le spectacle vaut clairement les risques encourus! Mais sachez que je ne dévoile jamais mes plans, et c'est bien pour cela qu'ils fonctionnent.
+ Quel est ton rôle au sein de ta région ?
Je suis musicienne, les atrocités que j'ai vu au cours de ma courte existence ont déclenché ce besoin d'extérioriser mes émotions. Alors, au lieu de parler je chante, et mes doigts communiquent en parcourant les cordes fragiles de la harpe. Ces instants là je suis dans ma bulle, plus rien n'existe autour si ce n'est cette mélodie qui m'apaisa et calme pendant quelques courts instants ma peine. Il m'arrive de me produire lors de certaines festivités, car mon père m'y encourage, je suis peu friande de m'exhiber en public, si je le fais c'est uniquement pour lui faire plaisir.
+ Si tu devais assister à une mise à mort injuste qui mettrait en danger un innocent, que ferais-tu ?
Je pense que dans ce genre de circonstances mon cœur me poussera à agir et ma raison me dira de ma taire. J'ai horreur des injustices, comme la plupart des individus, mais de là à risquer ma propre vie et celle de ceux que j'aime pour un inconnu, je ne suis pas sûre d'avoir le cran de le faire. Ce n'est pas de la lâcheté, mais de la survie. Sauver sa peau, je pense avoir eu mon lot de souffrances pour le moment.
A vrai dire tout est une question de circonstances. Qui, pourquoi, comment? Des innocents meurent tous les jours, ainsi est faite notre société, qu'est ce qu'une pauvre fille comme moi pourrait y faire de toutes manières?
+ Que penses-tu de la séparation entre les éléments ? Crois-tu que cela est normal, ou contre-nature ?
Est-ce que cela a été un jour autrement? Aussi loin que je m'en souvienne on a toujours vécu ainsi, c'est triste mais peut-être nécessaire. Je ne suis pas en train de dire que c'est la meilleur solution, mais pour le moment cela semble être la seule manière de nous éviter de nous entretuer. Bien sûr que j'aimerai qu'on vive tous ensemble en paix, qu'on se mélange sans crainte, mais cela ressemble davantage aujourd'hui à un rêve qu'à une possible réalité. Ils ne le permettront jamais, et d'ailleurs pourquoi le feraient-ils alors que nos propres Dieux nous ont créés ainsi? Nous manquons encore trop de tolérance envers les autres peuples pour qu'une cohabitation en paix soit possible aujourd'hui. Mais ce n'est pas totalement impossible, ceci dit.
+ Crois-tu en l'existence de l'élément Matière ?
Mon cœur balance, je pars du principe que toute légende a un fond de vérité. Quant à savoir s'ils existent vraiment tels qu'on le raconte ou si cela a été totalement modifié, ça je ne sais qu'en penser.
Je pense qu'il y a une part de vérité dans ce qu'on raconte, le tout est de savoir jusqu'à quel point ils ont raison. Si c'était vrai, il est évident que nos supérieurs feraient tout pour étouffer l'affaire, imaginez le chaos si des personnes pouvaient contrôler la population ou manipuler l'acier à leur guise. Ce serait vraiment dangereux, et ce genre de don, entre de mauvaises mains, peut très vite tourner au massacre.
Disons que j'y crois à moitié, et ma curiosité est pour ainsi dire piquée à vif, mais en même temps je prie les Dieux pour que des tels êtres n'existent pas, car cela pourrait causer notre perte.
+ Si tu devais défendre quelque chose, une idée, un concept, une valeur ? Et si tu devais t'opposer à quelque chose ?
Si je devais m'opposer à quelque chose ce serait sans doute l'esclavage. Consciente que cette pratique est ancrée à Oranda depuis des siècles, elle me paraît injuste et inhumaine. Réduire quelqu'un à l'esclavage sous prétexte qu'il ne possède pas l'une de nos capacités, je trouve cela cruel. Maltraiter ces personnes encore plus. J'ai vécu dans la crainte et la peur pendant des années, c'est ce que ces gens subissent depuis leur naissance, au nom de quoi et de qui avons nous le droit de les condamner de la sorte?
Quant aux valeurs que je prône, ce sont celles de mon peuple. La vérité, la paix et l'amour pour notre communauté, pour notre famille. Ces sont des idéaux essentiels à ma vie mais aussi à l'existence de notre race toute entière. Nous devons nous entraider et non nous entretuer et ce, malgré nos différences
+ Si tu devais me raconter un événement du passé...
On peut classer ce moment de ma vie d'un mal pour un bien, c'est ainsi que Livius m'a accueillie dans son foyer, et m'a offert la paix intérieure dont j'avais tant besoin.
J'avais alors 17 ans, j'étais une adolescente solitaire et perdue, sans famille, je n'avais nulle part où aller. Une nuit, alors que comme tous les soirs je tentais de trouver un refuge afin de me reposer un homme m'a attrapée, couvert la bouche et emmenée dans une ruelle adjacente afin d'abuser de moi. J'ai cru que mon monde tombait en lambeaux, je luttais en vain puisque sa corpulence lui permettait de prendre le dessus sur moi. Il avait déchiré mes habits déjà en piteux état, je m'étais alors retrouvée à sa merci tandis que ses mains sales s'insinuaient sur des endroits où aucun homme n'avait eu accès auparavant. Je pleurais à chaudes larmes, pensant être perdue à tout jamais. Pourquoi moi, encore une fois? N'avais-je déjà eu mon lot de malheurs? Le destin semblait vouloir s'acharner sur moi sans que j'ai fait quoi que ce soit pour le mériter. Je pensais alors que c'était ma punition car j'avais survécu au massacre de ma famille, car je devrais être morte. C'était tellement injuste! J'avais envie de vomir, je me dégoutais, je me sentais sale, et alors que l'homme s'apprêtait à aller au bout de son infamie en me volant ce que j'avais de plus précieux Livius est apparu, tel un ange gardien et m'a sauvée des griffes de cette pourriture.
Livius m'accueillit chez lui suite à cet évènement, il prit soin de moi, soigna mes blessures et tenta de donner une raison de vivre au petit moineau blessé que j'étais déjà. Il m'a offert ce jour là un foyer et une famille, une nouvelle vie, une raison de me battre tout simplement. Comment pourrais je un jour le remercier pour tout ce qu'il a fait pour moi?
+ Quel est l'impact des récents événements sur ta vie ?
Cette année 836 semble être l'une des années plus noires de l'histoire d'Oranda. Depuis les festivités de Dahut, le coup d'état et le sang versé les divinités nous font payer d'avoir si lâchement bafouée ces jours sacrés.
Tout n'est que chaos sur nos Terres, peu importe la région, tout le monde est touché. J'ai entendu certains pleurer que nos Dieux nous avaient abandonnés, avec les nouvelles tensions naissantes on s'attend à ce qu'une guerre éclate à tout moment et je suis morte de peur. J'ai peur de perdre encore une fois la seule personne qui compte à mes yeux, je ne m'en remettrais pas.
Apparemment à Lucrezia entre les quartiers Est et Ouest les tensions ne font que s'aggraver, les maisons sont saccagées. Et si ce n'était que cela... Dans toute Oranda nous manquons de lumière, les ténèbres prenant place dans le ciel, ce qui influence forcement nos récoltes, et donc nos denrées alimentaires. L'Astre solaire ne semble vouloir montrer le bout de son nez que sur le Territoire du peuple du Feu , mais là-bas la sècheresse est telle et la chaleur tellement suffocante que la vie devient un vrai calvaire pour ses habitants. LEs tempêtes de neige s'enchaînent au nord, plongeant le territoire dans un hiver éternel, les flammes dévorent les forêts à l'Est, quant à nous, la terre semble se rebeller. Le sol tremble, on a subi des nombreuses pertes non seulement matérielles mais aussi humaines à cause des éboulements, et ce sans compter les inondations qui engloutissent tout sur leur passage. Les dieux sont vraiment en colère, que Jalahiel ait pitié de nous!
LA situation est critique, si cela ne s'arrête pas, si l'on ne trouve pas un moyen de mettre fin à ces cataclysmes notre survie sera bientôt compromise. Si ce n'est pas une future guerre qui aura raison de nous, ce seront nos Dieux.
+ Une dernière chose...
Non, je préfère vous laisser découvrir ma petite Promiss en jeu